top of page
< Back

Lausanne By Night

Marjorie Besse, Corentin Blanc et Catherine Teyssier

1 juin 2024

Lausanne By Night

Vous les croisez peut-être en sillonnant Lausanne, discrets le jour, brillants de mille feux la nuit : l’Espace autogéré, le Bourg, le MAD ou encore le Romandie. Des espaces de fêtes qui deviennent familiers à force de les fréquenter. Mais connaissez-vous l’histoire qui se cache derrière ces lieux emblématiques ? Et qu’en est-il de ceux dont on ne parle plus ? Le Loft, la Dolce Vita, le Johnnie’s… nombreux sont les clubs, aujourd’hui fermés, qui ont pourtant fait les beaux jours de la nightlife lausannoise. Panorama d’un monde nocturne en constante évolution.


De nos jours, Lausanne propose à ses fêtards un vaste choix d'établissements nocturnes, entre bars, boîtes et autres salles de concert. Mais, si aujourd’hui la ville olympique peut se vanter d’offrir une telle variété, il n’en a pas toujours été ainsi. En effet, le développement de notre monde de la nuit ne s’est pas fait sans égratignure. À l’aube des années 1980, la jeunesse lausannoise craint le futur que les générations précédentes lui réservent. Devant elle se dresse un bien sombre tableau : capitalisme effréné, discriminations des minorités, exploitation du nucléaire... Voilà le portrait d’une société au sein de laquelle les adolescent·es ne se reconnaissent pas. De ce désenchantement émergent des revendications implacables. C’est la naissance d’un mouvement contestataire, baptisé Lôzane Bouge le 27 septembre 1980. Plus de dix ans après mai 68, les jeunes descendent dans les rues et défient les autorités. On prône l’émancipation et la liberté, on milite pour la création d’espaces autonomes, à rebours de la culture bourgeoise. Ce soulèvement d’indignation déferle non seulement sur Lausanne, mais aussi sur Bâle, Berne, Zurich, et provoque un raz-de-marée dans toute la Suisse. Le 29 avril 1981, à l’issue de nombreuses manifestations, les Lausannois·e·s peuvent enfin crier victoire. La municipalité met à disposition des locaux à la rue Saint-Martin et permet l’inauguration d’un espace en autogestion : La Dolce Vita. S'ensuivent d’autres ouvertures de lieux culturels, en cascade jusqu’à aujourd’hui. La vague Lôzane Bouge a donc conduit à la prise en compte par les autorités des besoins festifs et culturels de sa population.


Au temps où l’Espace autogéré faisait sa Dolce Vita


Lausanne, 1985. Le Cabaret Orwell 84, installé dans les locaux de la rue Saint-Martin et fruit des revendications de Lôzane Bouge, ferme ses portes. Les dissensions internes, les problèmes de drogues et le piteux état du bâtiment auront eu raison de cette idylle de la jeunesse politisée lausannoise. Toutefois, certains de ses membres, dont Jean-Marc Richard (aujourd’hui célèbre animateur de la radio suisse),  cofondent en 1985, à la suite de cet essai avorté, La Dolce Vita – salle de concert ayant vu passer entre ses murs quelques grands noms de la musique tels que les Red Hot Chili Peppers, Alain Bashung ou Sonic Youth. Scène rock emblématique des années 80 et 90, La Dolce Vita est née de la conviction profonde de quelques jeunes, membres du collectif Koprock, de la nécessité d’une scène libertaire en terres lausannoises. Collectif créé à la suite de l’échec du centre autonome, Koprock engage des discussions avec les autorités et permet l’ouverture de cet espace nouveau et résolument alternatif. 

Face à l’austérité des nuits lausannoises, voilà que se dresse, au milieu des années 80, ce nouvel éden alternatif qu’est La Dolce Vita. Marc Ridet, actuel directeur de la fondation romande pour la chanson et les musiques actuelles, y a programmé plus de 500 concerts. Sans agent, ni contact intermédiaire, son équipe devait à l’époque s’arranger directement avec les groupes qu’elle souhaitait voir enflammer la scène lausannoise. Face aux prix exorbitants des concerts de l’époque, le programmateur voulait proposer des shows à taille réduite et à moindre coût. Ils ont alors créé leurs propres événements, sans sacrifier aucunement la qualité et la renommée des groupes mis en avant. À ce sujet, Jean-Marc Richard explique dans le podcast InterCités :

« Je suis convaincu que pour construire un lieu comme la Dolce Vita, [il fallait] des gens qui avaient juste envie de faire bouger les choses sans réfléchir à : est-ce que ça va être viable économiquement ? »

Les années passent et de nouveaux lieux de fêtes apparaissent - ce qui fragilise le monopole que s’était offert la Dolce Vita en ville. Son succès s’effrite, faisant face à des stratégies économiques tout autres de la part des clubs voisins. En outre, le caractère autogéré de l’endroit commence à montrer ses failles : des conflits internes mettent à mal la cohésion de l’équipe. Une partie du groupe souhaitait un développement grandissant et une professionnalisation de l’endroit ; une autre défendait fermement l’idée de rester un lieu alternatif à petite échelle strictement associatif. Les exigences organisationnelles et économiques - nécessaires face à la concurrence - auront eu raison de ce lieu mythique, qui ferme ses portes en 1999. De sorte à éviter de pervertir ses intentions premières, ce lieu emblématique de la scène alternative lausannoise a accepté sa propre dissolution conformément aux principes qui le dirigent depuis ses débuts. Rattrapé par le système économique hégémonique qui a bien failli l’avaler, il est resté conforme à son ancrage alternatif. La dissolution est soudaine, mais la confiance en la pérennité de la culture rock demeure : elle saura trouver d’autres lieux où exister, d’autres figures pour la porter.

Et aujourd’hui ? La rue César Roux 30, lieu de l’ancienne Dolce Vita, abrite désormais l’Espace Autogéré. Ce groupe fait ses débuts par l’occupation d’une maison : il y propose des « bouffes populaires », des concerts anti-profit, des projections vidéos et un infokiosk. Après un déménagement dans le quartier de Prélaz en 1995, un affrontement musclé avec les autorités conduit les derniers squatteur.euse.s à changer à nouveau d’endroit : l’ancienne Dolce Vita. Proposant différentes soirées caritatives ou ateliers, l’Espace Autogéré est aujourd’hui un lieu majeur de la scène alternative vaudoise. Dans le prolongement de la riche histoire du lieu, ils continuent de proposer des concerts rock de temps en temps. Toutefois, leurs activités sont plus diversifiées et de nombreux autres styles de musiques font trembler les quatre murs de ce mystérieux bâtiment, dont la façade en constante évolution arbore actuellement les couleurs du drapeau palestinien – signe de la pérennité des idéaux politiques du lieu, conformément à son histoire et à ses origines contestataires.


Le Romandie : Digne héritier de la Dolce Vita


En passant aujourd’hui devant le Romandie, place de l’Europe 1A, sous les arches du Grand-Pont, on ne s’imagine pas les dix années de lutte qu’il a fallu mener pour faire exister ce club. Remontons plus de vingt ans en arrière. En 1999, c’est le drame : la Dolce Vita, incontournable et réputé club de rock, est contrainte de fermer ses portes. La faute à une mauvaise gestion des fonds. Les réunions de crise s’enchaînent alors, regroupant plusieurs acteur·ices de la vie culturelle locale. Tous·tes ont pour projet de rendre à Lausanne sa scène rock indépendante. C’est dans cet élan de détermination que naît l’association …E la nave va, pilotée par Tanguy Ausloos, actuel délégué lausannois à la Jeunesse. Cette dernière mène de front une bataille contre la municipalité, désormais frileuse du modèle associatif qui a eu raison de la Dolce Vita. …E la nave va est notamment à l’origine de nombreux concerts de soutien, véritables cris du cœur comme l’indique le titre de l’événement – « Lôzane’s burning ». 

 

Il faut attendre 2004 pour que Jean-Jacques Schilt, alors syndic de Lausanne, propose de loger le groupe de passionné·es. L’heureux élu, c’est l’ancien cinéma du Romandie, situé à la Riponne. La programmation reste néanmoins restreinte, à coups d’une dizaine de concerts par année. Mais cela n’empêche pas le club émergent et l’association de gagner toujours plus en popularité (500 inscrits au milieu des années 2000). Rapidement, le petit nouveau « Romandie » devient, dans le monde de la nuit lausannoise, un rival de taille. 

 

Puis le cinéma de la Riponne ne suffit plus. L’établissement se fait vieux et tombe progressivement en ruine. Nous sommes en 2008, le Romandie déménage, et prend ses quartiers dans une nouvelle salle, place de l’Europe. Deux soirées en grandes pompes sont organisées à l’occasion de cette réouverture. Les groupes The New Puritans, Part Chimp et le DJ Apparat inaugurent les nouveaux locaux. « Inutile de se précipiter pour acheter des billets, ces deux soirées affichent déjà complet... » avertit Patrick Suhner, journaliste de la RTS. De ce long processus de mise en place, l’on peut retenir une chose. Les tenancie·ères du Romandie ne se sont jamais détourné·es de leur objectif premier : conserver une structure associative dans la gestion du club. Bien que la Ville de Lausanne ait fait pression pour faire de ce projet une Fondation – et bénéficier ainsi d’une autorité sur les activités du lieu – l’équipe n’a jamais cédé. Tanguy Ausloos explique d’ailleurs les bienfaits du modèle associatif sur les jeunes :

 

« C’est souvent là qu’ils assument leurs premières responsabilités, comme tenir une caisse. […] Valorisés, ils apprennent ensuite à se faire entendre, à défendre des projets. Pour moi, ce sont les prémices de la démocratie. »

 

Et aujourd’hui ? L’établissement tourne toujours grâce aux mains des bénévoles. Une vingtaine d’années après la chute de la Dolce, le Romandie peut se targuer de reprendre le flambeau avec panache. Plusieurs artistes sont depuis passé·es entre ses murs, de Vendredi sur Mer à Tame Impala, en passant par KT Gorique. Fort d’une programmation éclectique, le club n’a de loin pas perdu l’âme audacieuse et rafraîchissante qui faisait les beaux jours de son aîné. Actuellement en travaux, la réouverture des portes est prévue pour septembre 2024 – une date à ne pas manquer. 


Le Loft  : Berceau de l’électro 



Le Loft a ouvert ses portes en 1998, et a été jusqu'à sa fermeture un lieu incontournable de la nightlife lausannoise. À ses débuts, cette boîte de nuit, située au pied de la Tour Bel-Air, était réputée pour sa musique électro. Petit à petit elle s’est diversifiée et a organisé des soirées de tout genre. Le jeudi était consacré aux soirées étudiantes, le vendredi et le samedi soit au hip-hop soit à l’électro. Peu importe les goûts, Le Loft a su évoluer avec son temps et proposer des soirées aux ambiances composites. 


Malheureusement, en raison d’une recrudescence de bagarres nocturnes, la boîte de nuit s’est vu forcée de fermer ses portes à 3 heures du matin, ce qui a considérablement affecté la fréquentation du lieu et a mené à sa fermeture. Coïncidence ou non : le renouvellement du bail arrivait au même moment... Qu’importe la raison, peu de temps après cette décision, Le Loft a tiré sa dernière révérence le 21 juin 2013. En tête d’affiche : le DJ Wild Pitch qui avait si souvent fait vibrer le dancefloor du premier gratte-ciel suisse.


Le Bourg : Cinéma devenu caméléon




 

1913. Vous êtes Lausannois·e et, pour votre promenade du soir, vous arpentez la ville en long et en large. Soudain, vous vous arrêtez devant un étrange bâtiment, intrigué par les lettres scintillantes d’une enseigne inconnue. Pourquoi ne pas entrer dans ce tout nouveau lieu de divertissement, que certain·es appellent « cinéma » ? 

 

À cette époque, on se presse à la Rue de Bourg 51 pour pousser les portes de l’Apollo, troisième salle de cinéma muet de la région. En 1930, la salle pionnière troque son premier nom contre un patronyme flambant neuf : le Bourg-Sonore. À l’affiche, toujours des films, mais parlants cette fois. Une première dans la capitale vaudoise. 

 

L’établissement traverse les décennies suivantes sans obstacles. Pourtant, courant des années 1990, le ciel s’obscurcit. Une majeure partie des projections sont dédiées aux films d’auteurs et d’avant-garde. Côté critique, le pari est gagné, en témoigne le sacre de 5ème meilleure salle suisse d’art et d’essai. Mais côté public, ça flanche et le petit bijou lausannois finit par sombrer dans les dettes. Les temps deviennent durs pour les salles à écran unique, écrasées par les grands complexes : Les Galeries du cinéma, Malley-Lumières, Europlex entre autres… C’est ce dernier qui porte le coup de grâce. Le mastodonte met fin aux activités du Bourg, rapatriant petit à petit la programmation dans ses murs. En 2001, le « plus parisien des cinémas lausannois », pour citer le critique Norbert Creutz, doit mettre la clé sous la porte.

 

L’histoire pourrait s’achever là, et connaître une fin aussi tragique que celle du Lido ou de l’Atlantic. Et pourtant, trois héros·ines sorti·es de l’ombre décident, quatre ans plus tard, de sauver le Bourg des oubliettes. À l’occasion d’une projection de leur film-performance, les cinéastes Kata Trüb et Sébastien Dubugnon découvrent les tapisseries fines et le haut plafond qui font le charme du lieu. La passion est immédiate. Tous deux entraînent Bernadette Borchat, patronne du Café de Montelly, dans la signature d’un bail de dix ans, pour récupérer le cinéma en perdition. L’Association du Salopard, créée à leur initiative, soutient le projet.

 

Il faut alors entreprendre des travaux. On aménage des tables et des chaises façon cabaret, on transforme la fosse d’orchestre en scène, le balcon en régie technique. Heureusement, on épargne les tapisseries à fleurs. En 2005, le Bourg est ressuscité. « Nous voulons réunir des gens qui, comme nous, travaillent à cheval sur plusieurs genres », explique le trio invétéré. Une diversité qui se retrouve dans leur catalogue : spectacles, concerts, performances, danse, théâtre… Désormais, le Bourg ne se limite plus au septième art, et offre sa scène à la vie culturelle dans son ensemble. Un second souffle pour la salle parvenue au bout de sa course.


Et aujourd’hui ? En 2020, après quinze ans de loyaux services, l’Association du Salopard s’émancipe du Bourg, afin de privilégier une programmation nomade. Mais l’ancien cinéma, devenu café-théâtre, continue de tourner à plein régime. L’établissement a vu sa cote de popularité exploser ces dernières années, proposant des soirées aussi bien rock, électro, techno ou rap. Plus d’un club envie sa métamorphose. Face aux intransigeances du monde de la nuit, le Bourg a su faire peau neuve. Qui se douterait du passé qui se cache derrière l’un des lieux les plus prisés de Lausanne, ce même passé qui fait encore vibrer les tapisseries ?


Le Johnnie’s : Souverain des festivités  


Connaissez-vous le Baron ?  Dit comme ça cela on se croirait soit dans The Crown ou dans Narcos... On vous rassure, ce n’est pas de cela dont il sera question ! Le Baron, Laurent Anken de son vrai nom, a été le propriétaire du Johnnie’s à partir de 1976. Ancien club de jazz situé à la rue Étraz, cette boîte de nuit deviendra the place to be


Mais qui est « Le Baron » ? Le Baron, c’est un homme tout de noir vêtu, muni d’un monocle, d’une canne et d’un noeud papillon. Véritable coup de marketing ou pur plaisir de mise en scène, ce personnage contribue également à la célébrité du Johnnie’s. Le choix du nom « Baron » n’est pas anodin. En effet, Laurent Anken tient à garder un certain pouvoir, pour maintenir ses potentiels concurrents à distance. À la tête de quatre boîtes de nuit à Lausanne, il gouverne le royaume de la fête. Aux airs de cour des miracles parisienne, la folie et la liberté règnent chez le Baron. Dans un contexte de libération sexuelle, le Johnnie's est un lieu de refuge pour les personnes homosexuelles et transidentitaire. Petit à petit, intelligentsia lausannoise, touristes, proxénètes, étudiant·e·s, tout le monde fréquente le Johhnie’s. Des gens de tous horizons, mais aussi d’âge. Dans une interview accordée à la RTS, Laurent Anken confie que même les septuagénaires venaient se déhancher – on espère pas littéralement – sur son dancefloor. Malheureusement, le règne de ce temple de la vie nocturne voit ses années de gloire prendre fin avec la recrudescence du sida, suivi d’un meurtre au sein même de l’établissement qui précipitera sa fermeture en 1980. 


Et aujourd’hui ? Après avoir tenté d’ouvrir d’autres clubs, sans succès, le Baron abdique son trône. À la rue Étraz, il ne reste plus rien du Johnnie’s : nul ne pourrait deviner qu’ici se trouvait un des hauts lieux de la nightlife lausannoise des années 70-80…


Le MAD : Aux prémices de la techno

 



Club mythique de Lausanne, le MAD (de son nom originel « Moulin à danse ») a une histoire tout à fait surprenante, loin de l’image qu’il revêt actuellement : grand public et d'apparence apolitique. En plein cœur du quartier du Flon, il est aujourd’hui un symbole de la nightlife lausannoise – et ce, tant pour les plus jeunes qui y découvrent les premiers émois des soirées en boîte de nuit que pour les plus âgés, ayant passés, il y a quelques années maintenant, de longues nuits frénétiques dans ce club émergent des 90s. Cinq étages, quatre dancefloors, un hôtel et un café : voilà le programme qui a de quoi régaler les fans de musique électronique. Ce grand bâtiment orné de graffitis attire le regard : installé au milieu d’immeubles à la façade bien plus classique, le MAD adopte une esthétique pop et colorée qui invite à la danse.

 

À l’origine, pourtant, rien ne présageait ce destin atypique qui le mènerait à devenir ce club mythique de Lausanne, reconnu dans le monde entier. Salle de spectacle qui propose deux à trois concerts par semaine, le MAD était à ses débuts tout autre. Implanté dans un ancien hangar dans le quartier du Flon – quartier industriel et plutôt tendu à l’époque devenu aujourd’hui l’épicentre de la vie nocturne lausannoise – le MAD est vite devenu un lieu incontournable pour les fêtard·e·s de l’époque. Igor Blaska, DJ et propriétaire des lieux, explique l’évolution de son club. À l’origine, au milieu des années 80, le cœur des jeunes bat au rythme des Rita Mitsouko et d’Eurythmics. Le concert fini, un DJ prend le relai et enflamme les platines. Mais les temps changent ; l’ordinateur se fait une place dans le monde de la musique. Dès lors, une nouvelle vague déferle sur le monde de la nuit : la techno. Place maintenant au remix de Madonna ou U2 entre les quatre murs du MAD. Encore émergente, la musique techno fait face à la réticence et la critique de certain·e·s contemporain·e·s qui la rattachent à la prise de drogues dures et à une jeunesse « débridée et malade ». Mais la fête continue. Petit à petit, ce genre s’impose mondialement et le club lausannois se bat pour y faire jouer les plus grands noms (David Guetta et Laurent Garnier seront par exemple de la partie). Souhaitant être toujours en phase avec les envies d’une jeunesse libérée, le MAD a également depuis ses débuts proposé de fameuses soirées gay tous les dimanches soir. L’inscription « STOP SIDA » en lettres capitales et le préservatif géant qui ornent sa devanture  apparaissent ainsi comme le souvenir de cet engagement du club envers certaines communautés minorisées, et ce, à une époque où le virus menaçait grandement le milieu de la nuit.

 

Et aujourd’hui ? Le MAD a perdu de son caractère politique et contestataire. Le club novateur et relativement engagé qui émergeait dans les années 80 entre deux hangars de ce quartier industriel est un lointain souvenir. Davantage branché et classique, il propose aujourd’hui une programmation résolument moins punk et alternative en invitant des artistes tels que GIMS, Bob Sinclar ou dernièrement Kaaris. Sans délaisser la musique électronique qui a forgé sa renommée, le club propose une palette plus variée de soirées : cela va du Hip-Hop, au reggaeton, en passant par l’électro.


On sort où ce soir ?


Nous l’avons vu, Lausanne a hébergé et héberge encore une foule de lieux dédiés aux noctambules. De leur apogée à leur déclin, ces espaces de fêtes charrient une histoire précieuse. Derrière chacun d’eux, il y a toute une génération qui se raconte. Génération désenchantée, en mal de lumière et de liberté. Génération qui s’est battue contre les réticences politiques pour ouvrir ou rénover des établissements en chute libre. Aujourd’hui, nous apercevons ces lieux sans les regarder, sans soupçonner le passé qu’ils recèlent. Clubs au dancefloor clinquant, espaces alternatifs et militants, coins de vie culturelle – la ville de Lausanne arbore mille visages à la nuit tombée. Une diversité à redécouvrir quand on explore ses rues. 


Les rédacteur·ices de cet article ont déjà été aperçu·es au No Name, au Liquors ou au D!. Les quelques soirées au théâtre de l’Arsenic ou au bar La Datcha les rendent d’humeur festive : loin des standards de la nightlife lausannoise, ces deux espaces offrent une programmation diversifiée et alternative, faite de ball queer et de soirées karaoké. Vous pouvez aussi les trouver au bar Le Great Escape. Passé une certaine heure, il paraît qu’ils dansent debout sur le bar.


Crédits photos : Paul Croisier


bottom of page