La revue culturelle de l'Université de Lausanne
Léa Seydoux, récits d'une carrière éclatante
Llliana Dudot, Djamila Zund
L'actrice française Léa Seydoux, invitée d'honneur des Rencontres du 7e Art Lausanne (R7AL), a partagé ses sentiments sur le patrimoine cinématographique lors d'une interview au Beau-Rivage Palace de Lausanne, et nous a donné un aperçu fascinant de ses décennies d'expérience dans le monde du cinéma. Tantôt sur le tournage de superproductions américaines, tantôt sur celui de films indépendants suisses comme L'Enfant d'en haut (2012), qu'elle a présenté lors de la cérémonie de clôture de la 6e édition du Festival, la comédienne et cinéphile nous a ouvert les portes de son univers.
Les R7AL étant consacrées à l'échange autour du patrimoine filmique, nous avons voulu connaître les coups de cœur de Léa Seydoux. Elle a évoqué, après réflexion, son amour pour le travail d'Eric Rohmer, François Truffaut, Woody Allen, Pedro Almodovar, Stanley Kubrick ou encore Leos Carax. Et lorsqu’il s’agit d'identifier des films ou des réalisateur·rice·s qui auraient particulièrement alimenté sa créativité tout au long de sa carrière, l’actrice française a souligné la difficulté de répondre à cette question. D'un point de vue plus personnel, elle a admis son admiration pour les metteurs en scène avec lesquels elle a travaillé. Ce sentiment viendrait notamment du fait qu'elle estime qu'un réalisateur crée son propre langage et son propre style. Ce sont eux, qui à son sens, « inventent et réinventent sans cesse la manière de faire du cinéma. »
Pour une actrice qui a travaillé sur des tournages aussi variés que Mission : Impossible - Protocole Fantôme (2011), Minuit à Paris (2012), ou encore La Vie d'Adèle (2013), nous étions avides de découvrir ce que Léa Seydoux ressent lorsqu'elle entend le mot « Action ». Comme elle ne se sent « jamais vraiment prête à jouer », entendre « Action ! », mot vedette du monde du cinéma, a pour effet de la réconforter. Dès qu'elle l’entend, elle perd la conscience d’elle-même et est prête à se lancer dans la scène. Elle nous a confié en revanche que lorsqu'un metteur en scène lui propose de « commencer quand elle veut » sans aucune indication précise, la comédienne se sent totalement désorientée et l'impulsion lui fait défaut. Elle a finalement proposé une analogie dans laquelle elle compare l'exclamation « Action ! » avec une direction claire : « C'est comme un encouragement ». Elle se sent alors prête à faire un saut dans le vide : « Je crois que c'est une des raisons pour lesquelles j'aime jouer. C'est pour être totalement là, au moment dit. »
Dans le cadre du festival, Juste la fin du monde (2016) de Xavier Dolan était projeté le jeudi 9 mars aux Galeries. Lorsqu’on a demandé à Léa Seydoux ce qu’elle a pensé de ce tournage aux tonalités théâtrales – puisque le film est l’adaptation d’une pièce – elle a répondu qu’elle avait trouvé cet exercice très intéressant. « Le tournage n’a duré que treize jours ! C'était très amusant parce que le récit était vraiment construit comme une pièce, c’était comme vivre l'expérience de jouer du théâtre ‘au cinéma’ ». Elle a ajouté qu’elle aimerait bien un jour se produire sur les planches, mais que cela l’intimide puisque « contrairement au cinéma, au théâtre on ne peut pas tricher… »
Si l’actrice salue cette adaptation remarquable du réalisateur canadien, elle ne tarit pas non plus d’éloges sur son expérience en Suisse grâce à Ursula Meier et son film L'Enfant d'en haut (2012). « J'ai beaucoup aimé tourner ici. J'aime beaucoup Lausanne d'ailleurs, et j'aime beaucoup revenir ici parce que ça me rappelle cette période où je tournais ce film. » C'est une des œuvres de sa filmographie qu’elle préfère : son caractère émouvant réside surtout dans la relation entre la mère et son fils, explique-t-elle. Les films qui ont trait à la maternité et à l'enfance sont d’ailleurs ses sujets de prédilection. Alors qu’il n’avait que 13 ans pour son deuxième rôle au cinéma, l’acteur Kacey Mottet-Klein jouait le rôle du fils dans L'Enfant d'en haut (2012). À 24 ans, il est désormais une étoile montante du cinéma suisse ; il a été invité à animer une masterclass aux R7AL et à présenter la cérémonie de clôture aux côtés de Léa Seydoux. Le souvenir de la relation fusionnelle et conflictuelle que l’actrice et le jeune garçon ont porté à l’écran la fait toujours sourire. Elle se rappelle les difficultés de jouer avec un enfant, mais reconnaît surtout le talent et la justesse du jeu de son homologue, qu’elle trouvait déjà émouvant à l’époque. « Il y avait une vérité éclatante chez lui. Et c'est quelque chose qui est assez rare. Il a incroyablement bien interprété ce rôle grâce à cette vérité-là. »
Avant de clore l’entretien, Léa Seydoux est revenue sur son ressenti lors de tournages de films indépendants en comparaison à son expérience durant des superproductions. « Dans le fond, c'est toujours pareil. On est toujours face à une caméra » analyse-t-elle. Ce qui change, c'est surtout le budget du film. Elle reconnaît toutefois avoir de la peine avec le fait de jouer dans des univers dystopiques ou fantastiques. Dans les films plus intimistes, comme les œuvres d'auteur·rice·s qui sont basées sur la réalité, « c'est d'une certaine façon peut-être plus facile, parce que cela ressemble plus à la vraie vie », conclut-elle. Léa Seydoux s'inscrit donc pleinement dans la thématique des R7AL de cette année « Entre rêve et réalité ». Elle est aujourd'hui une figure incontournable du cinéma français et s'est affirmée sur la scène internationale aux côtés des plus grands noms de l'industrie cinématographique américaine. Les R7AL ont rendu hommage à sa carrière florissante en lui décernant le prix Think Cinema.